Note de l'éditeur :
En raison d'un appel anonyme reçu par les Editions Neuneu
& Swift annonçant un risque d'attentat suicide à
l'aide d'un cerf-volant kamikaze projeté sur les locaux de la
rédaction, les Editions Neuneu & Swift se voient dans
l'obligation, et ce dans un souci évident de sécurité,
de présenter à ses lecteurs le résumé du
chapitre précédent sous forme cryptée. Les lecteurs
compréhensifs voudront bien nous en excuser. Les autres pourront
toujours aller donner leur avis auprès d'un panel représentatif
de la population masculine grecque.
Résumé du chapitre précédent
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Episode 3
Dans cette ruelle obscure de Mezymoi-sur-Yvette, charmante bourgade
située quelque part entre la Creuse et le Brabant, l'activité
était des plus limitées. A part quelques chiens efflanqués
qui se disputaient la carcasse d'un scolopendre à poils ras,
rien de bien intéressant. C'est pourquoi le lecteur -le compréhensif
pas celui qui a rendu son abonnement suite au résumé crypté
(1)- comprendra que l'on revienne fissa à notre récit
oh combien palpitant et oh combien palpité.
(1) celui là, on l'emmerde.
Gerda se trouvait donc devant la porte du laboratoire. Elle se doutait
bien que, fidèle à son habitude, le bon Docteur Pinguin
harassé par toutes les responsabilités qui étaient
les siennes (outre son travail de scientifique, il occupait également
le poste envié de Grand Voïvode à la Confrérie
des Bouffeurs de Choucroute et présidait plusieurs associations
caritatives (2)), s'était plongé
dans un univers de rêveries musicales et lascives peuplées
de Concerto pour électro-aimant (3)
et de chansons de Lara Fabian.
(2) Oui, toi aussi jeune lecteur participes à
l'uvre de bienfaisance du Docteur Pinguin et envoi tes dons -en
liquide uniquement- aux Editions Neuneu & Swift qui se chargeront
de les lui faire parvenir.
(3) Note de l'auteur : J'affirme que cette uvre
magistrale existe. Un de mes amis l'a entendu un jour au Centre Beaubourg
(si !!!). En sortant de là, il m'a dit avoir songé fortement
au suicide. Faut dire qu'il venait juste avant de voir une exposition
d'uvres de Jackson Pollock, grand peintre américain qui
s'est illustré en mettant au point plusieurs méthodes
de peintures absolument révolutionnaires dont l'une consistait
à étendre une toile à même le sol, à
y jeter pêle-mêle plusieurs tubes de peinture et à
sauter à pied joint dessus (véridique !).
Elle décida derechef d'entrer. Gerda ne fut point surprise par
l'habituel capharnaüm qui régnait dans la pièce,
n'était ce pas là l'habitude des scientifiques de très
haut niveaux ? Elle alla d'un pas svelte dans la chambre, coupa la chaîne
Hi-Fi, remonta tendrement la couverture sous le bec du Docteur Pinguin
qui roupillait comme un sonneur puis retourna dans la laboratoire. Après
avoir posé sur un coin de table le bol, l'eau de Seltz et la
bouteille de Suze, elle sortit en fermant la lumière et en se
demandant si elle ne ferait pas mieux de prendre un ou deux tubes d'aspirine
(4).
(4) Note de l'auteur : pour moi aussi s'il vous plait.
Ce que ne savait pas Gerda, c'est qu'en posant l'innocente bouteille
de Suze tout près d'une autre bouteille qu'elle n'avait même
pas remarqué, elle venait de poser la toute première pierre
d'une catastrophe qui bientôt allait dévaster la ville
puis le pays. Elle ne savait pas la pauvrette qu'avec ce geste à
priori tout simple, elle venait de déposer la semence d'un cataclysme
qui allait faire vaciller l'Humanité toute entière, qu'elle
venait d'éparpiller les germes d'un événement qui
allait réveiller la Bête Immonde et qui allait faire trembler
les fondements de la Chrétienté.
Le lendemain matin suivant, le Docteur Pinguin, contrairement
à son habitude, ne se réveilla qu'à l'heure très
tardive de 5 heures. Faut dire qu'il traînait les conséquences
d'une cuite monumentale à l'alcool de foie de phoque qu'il avait
prise deux jours auparavant avec les internes de la faculté.
Il s'attela illico à sa tâche. Il ne remarqua même
pas le plateau posé sur un coin de table tout qu'il était
à l'Expérience qu'il menait et dont la fin, il en était
certain, était encore plus proche que si elle était moins
éloignée.
"I HAVE A DREAM !" s'écria t'il en allemand
et en lui-même car il parlait les deux langues.
"ALLELUÏA !" s'exclama t'il en javanais et en
roulant les "R".
Un songe lui avait en effet révélé le but qu'il
poursuivait, le pourquoi du comment , l'essence même de son métier
de scientifique : c'était la découverte d'un médicament
miracle qui allait guérir l'humanité de ses maux les plus
effroyables : peste bubonique, sida, sclérose en plaques, bec
incarné, extrémisme religieux, grèves SNCF...
Il devina à cet instant, dans une fugitive et pourtant fugace
vision, le nom de l'élément qui manquait à sa potion
qui pour l'instant de composait à 22,5% de tisane de queues de
cerise (5), à 18,2 % de gasoil,
à 5% d'hydrocarbures diverses, à 27% de briques pilées,
à 5% d'aspirine, à 2% d'acides à chats (6) et à
23% d'uranium appauvri.
(5) Note de l'auteur : j'en ai bu: c'est infâme.
(6) Erratum : une série de fautes de frappe
malencontreuse s'étant glissée par inadvertance, il faut
lire "acides aminés" et non "acides à chats".
"Le trychloréthylèneméthylphénolsulfuroastipotassobenzoate
azoté !" s'écria t'il
"Voilà le chaînon manquant !"
"Aïe hi Aïe ho ! Ah Ah !" se mit-il à chanter
de joie en marchant au pas cadencé (Pinguin, dans une
jeunesse inavouée, avait fait partie des Waffen SS).
Il se précipita vers la table la bave au bec. C'est à
ce moment que tout commença à se gâter Le trychloréthylèneméthylphénolsulfuroastipotassobenzoate
azoté, lorsqu'il était mélangé à
de l'huile de pépins de citron pour le rendre plus stable, avait
une couleur jaunâtre du plus bel effet et pouvait donc facilement
se confondre avec la Suze, composée essentiellement de gentiane.
Le Docteur Pinguin prit la première bouteille venue: le
lecteur finaud l'aura deviné, c'était celle de la Suze.
Il alluma un petit réchaud à alcool sur lequel il posa
le tube à essai et commença à verser dans le mélange
la moitié de la Suze.
Les molécules de gentiane, associées à l'acide
sulfurique que le Docteur Pinguin ajoutait à toutes ses
compositions ("cela ne peut pas faire de mal" disait-il souvent
à ses élèves dont le taux mortalité augmentait
inexplicablement d'années en années) provoqua une réaction
chimique des plus inattendues : un gigantesque nuage de fumée
fit bientôt place à une mosaïque de couleurs passant
de tous les tons de l'arc-en-ciel à ceux d'un caméléon
schizophrénique posé sur un kilt écossais de bonne
facture.
Pinguin se versa une bonne rasade de ce curieux mélange,
décidé qu'il était à tester ce médicament
sur sa propre personne.
Dans un premier temps, il ne se passa rien. Dans un second temps non
plus. Alors les yeux du Docteur devinrent glauques, puis opaques
et enfin carrément vitreux. Pinguin ouvrit le bec pour
émettre une sorte de pschittt qui se termina par un hurlement
épouvantable de bête apocalyptique.
Il se mit à bondir frénétiquement sur place, de
plus en plus vite, de plus en plus haut, puis dans toutes les directions,
à une vitesse phénoménale, projetant des étincelles
gigantesques, dévastant tout sur son passage tel un diable de
Tasmanie.
Enfin, après plusieurs sauts périlleux, 18 triple axel
et 15 salto arrière renversé, Le Docteur Pinguin
termina sa course folle contre un radiateur, émettant un râle
caverneux, une fumée noirâtre s'échappant de tous
les pores de sa peau.
Pendant ce temps là, sur une lointaine et toute petite planète
située à quelques années-lumière d'Alpha
du Centaure, non loin de la Constellation du Grand Caramel Mou...........